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L'essence et les sens du logo d'A.Q.I.T
Lors de la création de l'association, le 27
avril 2003, nous nous sommes réunis un dimanche entier avec un certain
nombre de sujets à l'ordre du jour. Parmi ceux-ci, évidemment, celui du logo
: comment communiquer au mieux et dans le monde entier notre identité, nos
valeurs, notre message, par un simple visuel ?
Ce qui devait être notre premier exercice réel
de "communication", alors que l'objet même de l'association que nous étions
en train de créer est de parler de communication, s'avéra plus simple que
prévu.
J'eu en effet la chance de découvrir dans une
revue scientifique d'avril/juin 2003, consacrée aux illusions des sens, une
partie qui retint toute mon attention : "L'illusion de Müller-Lyer est la
plus connue des illusions géométriques. Les deux segments [...] sont de même
longueur, mais [l'un] paraît plus petit que [l'autre]. Cette illusion, et de
nombreuses variantes, peuvent être décrites par un principe d'assimilation,
selon lequel l'appréciation de la longueur d'un segment est altérée par
celle des segments voisins."
(Source : Pour la science (édition française de
Scientific American), dossier sur les illusions des sens, avril / juin 2003,
p.43 )
Je fus principalement marqué par le fait que
deux simples flèches, placées l'une au-dessus de l'autre, puissent évoquer
autant de choses : par rapport à la réalité, aux sens, à la distanciation
par rapport à l'évidence, bref à ce qui me paraissait essentiel à la
construction de l'acuité.
A vrai dire, je crois même que le nom d'A.Q.I.T
est en partie dû à cette découverte, puisque le 27 avril 2003 nous n'avions
pas encore déterminé notre nom.
Ce qui est devenu notre logo, donc notre
symbole de ralliement, est riche de plusieurs niveaux de
lecture : celui de l'illusion d'optique, celui des flèches, et celui de la
direction des flèches.
Ces trois niveaux sont en fait tous reliés au
sens : que ce soit la tromperie des sens, les flèches indiquant le sens, ou
le sens des flèches.
C'est le propre même d'un logo que d'être
porteur de sens, dans le sens de 'direction', mais avec cette identité
visuelle nous mêlions à la direction l'aspect sensoriel du mot 'sens'.
L'acuité se définit en fait aussi souvent par celle des sens (visuelle,
auditive, etc.) que par celle de l'esprit. La boucle était bouclée.
L'illusion d'optique
Le niveau de lecture de l'illusion d'optique
correspond au sens 'caché' du logo. Les moyens d'y accéder sont notamment
l'analyse, le recul, et la remise en question.
Il est celui qui nous a amené à choisir ce logo
pour l'association, mais généralement les gens qui le découvrent ne voient
pas d'abord l'illusion d'optique. La quasi-totalité de ceux à qui nous
l'avons déjà montré n'en étaient pas conscients.
C'est quand nous leur posons la question : "A
votre avis, quelle est la ligne droite la plus longue", qu'ils commencent à
y réfléchir. Les réponses sont d'ailleurs intéressantes, et sont de deux
ordres : ceux qui répondent le contraire de ce qu'ils voient car ils sentent
le piège, et ceux qui répondent ce qu'ils voient. Peut-être ce test
permettrait-il d'en savoir plus sur la nature de chacun par rapport à
l'information qu'il reçoit ?
En tout cas Edgar Morin répond très bien à la
problématique que soulève cette illusion d'optique :
"Ainsi nous voyons que les mêmes problèmes fondamentaux se posent pour
tout témoignage y compris le sien propre. D'où une conclusion paradoxale :
méfions-nous de nos yeux, bien que ce soit à eux seuls que nous puissions
faire confiance. Comment à la fois faire méfiance et confiance ? Ce
problème ne nous lâchera pas (comme nous le verrons, il faut nous méfier
de notre confiance, mais aussi nous méfier de notre méfiance). Le problème
s'éclaire si nous pensons que nos yeux ne sont pas que nos yeux, que la
vision vient de la rencontre entre des stimuli extérieurs, l'activité
impressive / transmettrice de notre appareil oculaire, l'activité
représentative de notre cerveau, et que tout cela donne une perception."
Source : Edgar Morin, "Comment sortir du 20è siècle",
p.25, éditions poche - Points, essais, novembre 1984
Ce logo illustre notre état d'esprit, et démontre qu'il convient de
réfléchir avant d'agir, ce que sir Karl Popper écrivait admirablement :
"Nous estimons qu'il
est dangereux de passer aux actes avant que la discussion nous ait
éclairés sur ce qu'il y a à faire." Source :
Sir Karl Popper, La société ouverte et ses ennemis, Le Seuil,
1979
L'acuité, c'est notamment ne pas croire tout-de-go ce qu'on voit, c'est
mettre en cause ses propres sens, sa propre grille de lecture, notamment
en confrontant sa vision avec celle des autres.
Les flèches
Le niveau de lecture des flèches, quant à lui, est bien plus littéral et
accessible, sans analyse particulière.
Les flèches indiquent le sens, or c'est ce que
nous prétendons modestement faire, à la mesure de nos moyens, de nos efforts
et de l'enthousiasme fédérateur que nous sommes en train de créer en ce
sens.
Il y a deux flèches, ce qui peut tout aussi bien
illustrer le dialogue déjà évoqué, que la complémentarité.
Une des deux flèches, prise seul, n'a aucun sens
: c'est avec l'autre que l'illusion d'optique prend forme. Les deux sont
donc de ce point de vue sur un pied d'égalité, et de complémentarité, qui
sont à la base du respect, qui se trouve être une des nos valeurs les plus
profondes.
Elles sont finalement très accessibles, aussi bien dans leur sens que dans
leur reproduction.
D'une part a priori tous les pays du monde utilisent et comprennent les
fléches, et dans le même sens que nous.
D'autre part n'importe qui peut, à main levée et en moins de temps qu'il
ne faut pour le dire, les reproduire où bon lui semble.
Le sens des flèches
Les flèches ont beau donner un sens, elles ont elles-même un sens.
Sur une boussole, elles indiquent le Nord, sur la route, à gauche ou à
droite, dans un ascenseur, monter ou descendre.
Or ici nous avons affaire à des flèches particulières, en ce sens qu'elles
n'indiquent rien de tout cela.
La double-flèche du haut indique les deux directions opposées à la fois,
ce qui invite inévitablement à un choix. Elle ne fait pas de jugement de
valeur sur la qualité de ce choix, puisqu'elle place la gauche et la
droite sur le même pied d'égalité.
La double-flèche du bas n'indique pas quant à elle d'autre direction
qu'elle-même. Elle s'oppose et complémente en ce sens celle du haut, qui
indique deux sens vers l'extérieur.
Nous l'interprétons comme la complémentarité nécessaire entre l'ouverture
et la fermeture.
Nous espérons être des gens ouverts, et prétendons même que c'est cet état
d'esprit qui nous anime, cette valeur qui nous rassemble. Dès sa création,
A.Q.I.T comptait des citoyens de tous horizons professionnels, politiques
et nationaux.
Or l'ouverture est par définition ouverte à la différence, elle s'en
nourrit d'ailleurs allègrement. Or qu'est le complément de l'ouverture ? :
la fermeture.
L'idéologique, le dogmatique, le doctrinaire font aussi avancer le monde,
pour le meilleur et pour le pire, et nous ne pouvons l'ignorer sans
craindre de passer à côté de l'essentiel. L'ouverture n'a pas pour
intention de s'enfermer dans sa tour d'ivoire, qui s'écroulerait de toute
façon aussitôt car elle nierait son propre sens.
Néanmoins, comme le montre ce logo, le fait que la fermeture (double-flèche
du bas) puisse cohabiter avec l'ouverture (double-flèche du haut)
nécessite un contexte... ouvert ! Ainsi on trouve les deux double-flèches
sur le même espace.
La fermeture est par définition étanche à ce qui est différent d'elle, et
qu'elle se plaît à combattre plus qu'à comprendre ou à intégrer dans sa
réflexion.
Comme écrivait Paul Valéry dans Tel Quel, "Le monde ne vaut que
par les extrêmes et ne dure que par les moyens. Il ne vaut que par les
ultras et ne dure que par les modérés."
Nous, nous sommes les modérés, c'est d'ailleurs la seule chose dans
laquelle nous soyons extrêmes.
Jean Robin, fondateur et président d'AQIT d'avril 2003 à juillet 2004.
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