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Compte-rendu de la conférence-débat d'Avril 2004

 

Pour sa troisième conférence débat, AQIT a choisi de poser la question de la qualité de l’information sous l’angle de sa manipulation par différents acteurs ayant intérêt à orienter l’information dans un sens ou un autre. L’information est-elle sous influence ? Comment un groupe de pression peut manipuler les médias ? Ces derniers manipulent-ils pour leur propre compte, ou développent-ils des stratégies de défense contre la manipulation ? Toutes ces questions ont été posées aux 3 intervenants du jour :

Amiral Pierre Lacoste, ancien directeur de la DGSE

Joseph Tual, journaliste d’investigation à France 3

Marc Filterman, spécialiste des armes non-conventionnelles. 

1 – comment un groupe de pression s’y prend pour manipuler les médias?

Amiral Lacoste : Les questions ne recouvrent pas le champ complet des préoccupations. C'est un vaste problème qui part du présupposé qu'effectivement il existe des groupes qui manipulent.
Alors comment s'y prennent-ils ? Le levier le plus important est le levier financier : une entreprise de presse est un acteur économique, elle a des dépenses, il lui faut des ressources
Or la situation financière des médias fait qu'ils sont fragiles. Mêmes si les gouvernements ont mis en place des dispositifs d'aides à la presse.
Je pense aux grands empires de presse anglo-saxons. Quand on regarde ce qu'ils ont diffusé depuis 2 ou 3 ans, ils ont un certain discours, il est clair que le financier c'est le plus important
Quels sont les autres leviers de manipulation ? Il y a bien sûr la pression des Etats. J'ai connu la propagande de Goebbels et les médias sous contrôle dans l'empire soviétique, puis Cuba, la Corée du Nord, et maintenant la reprise en main des médias Russes par Poutine…
Ce qui est sûr, c'est qu'en pays démocratique, les services secrets n'ont pas ce genre de pouvoir sur les médias. Même en pays dictatoriaux, la manipulation est faite par des groupes différents, pas par les services de renseignement. Comme autres moyens de manipulation, il y a celui qui consiste à répéter les mêmes thèmes pendant des semaines… L'utilisation des techniques de la publicité, les méthodes de manipulation de l'esprit, de manipulation des foules etc.

Joseph Tual :Un bon moyen de pression, ce sont les voyages payés, comme dans l'affaire Botton. Après, le journaliste accepte ou pas de partir en voyage. Un directeur de communication d'une grande entreprise est un groupe de pression ! L'attachée de presse est reconnue, elle fait partie d'une profession qui est payée pour ça. Mais chaque journaliste détermine si ce qu'il glane est bon à diffuser ou pas. Sachant que les voyages payés, le sont parfois pour la noble cause (MSF paye les billets d'avion).

Marc Filterman : Dans l'exemple de l'explosion de l'usine AZF, les journalistes ont été confrontés à 2 thèses, attentat contre accident. Certaines thèses étaient poussées par des RG. Les premiers jours on parlait de 2 explosions, et ensuite on disait que c'était psychosomatique. Cette manip' a été mise à jour car on a retrouvé les enregistrements magnétiques, preuve matérielle qu'il y a bien eu 2 explosions. Sur cette question, les journalistes avaient 2 sources d'info différentes, ils devaient prendre position ou alors exposer les 2 thèses.

Amiral Lacoste : Autre forme de manipulation : le terrorisme. Il n'a pas d'efficacité s'il n'est pas connu, les terroristes visent les systèmes, les moments, les méthodes qui auront de l'impact dans les médias. Pendant la guerre au Liban, les groupes de Terroristes réalisaient leurs attentats pour qu'on en rende compte à 20h à Paris. Dans les régimes policiers, les attentats on n'en entend pas parler. Et sur le plan de l'efficacité policière, le silence est plus efficace.

Marc Filterman : Le problème avec les attentats, c'est que si on n'en parle pas, les terroristes font plus spectaculaire. La télévision joue un rôle émulateur comme dans l'affaire de l'anthrax.

Joseph Tual : Le public a envie de savoir. Si on ne parlait pas des attentats, on nous dirait qu' « on nous cache tout »

Amiral Lacoste : c'est une question de déontologie. Au Liban, lors de l'affaire du détournement de la TWA, les télés américaines se sont fait une concurrence folle. C'était à qui obtenait le plus de fuites. J'ai même vu l'organisation par une chaîne d'un repas dans une salle avec les otages et les terroristes. Seuls les professionnels de l'information peuvent régler cela. Dans des services de police, certains ne peuvent pas s'empêcher de donner des infos à des amis journalistes. Et c'est plus grave quand ça vient des patrons, des chefs de service qui lâchent ce qu'ils n'auraient jamais du lâcher. Quand je suis arrivé à la DGSE, je me suis posé tout de suite la question de mes relations avec la presse. Je ne m'engageais jamais dans des échanges de confidences. Je leurs disaient, aux journalistes, « nous faisons le même métier mais pas de la même façon. Moi je suis payé pour apporter des renseignements confidentiels aux autorités de l'Etat. Je ne peux vous les donner. » Je n'ai pas eu de relations conflictuelles avec la presse, j'ai été très clair.
 
2- les intérêts des médias les poussent-ils à manipuler l’information?
 

 

Joseph Tual : notre intérêt c'est de diffuser l'information le plus largement possible. Divulguer une info pendant une campagne électorale, ça peut manipuler les votes. Que faut-il faire alors ? France 3 est un service public, le privé est astreint à plus d'audience. Nos actionnaires, ce sont les impôts, alors que le privé appartient à des groupes. Les infos qu'ils diffusent ne doivent pas heurter les intérêts des entreprises… nous on n'a pas ce paramètre. La qualité parce que la redevance ? C'est sur que des informations ne passeront pas sur TF1 à cause des intérêts de Bouygues…

Marc Filterman : le journaliste peut ne pas être au courant de certains faits car il n'est pas spécialiste de la question, donc il va reprendre les infos qu'il reçoit. Pour l'exemple des durées d'exposition aux ondes émises par les téléphones mobiles : la directive européenne sur la question donne la nocivité pour une durée d'exposition de 6 minutes, les journalistes ne le savent pas, et les opérateurs naturellement n'en parlent pas. Un journaliste ne peut pas être spécialiste dans tous les domaines, d'où l'existence des revues spécialisées.

Amiral Lacoste: Le problème de la compétence du journaliste se pose dans tous les milieux professionnels. Quand les médias traitent d'un sujet, naturellement les spécialistes sont frustrés. Moi je n'accuse pas le journaliste, si le sujet est trop complexe, c'est aussi que les spécialistes n'ont pas été assez pédagogiques. Les spécialistes devraient être plus explicite. Ainsi concernant le débat sur le nucléaire, les spécialistes ont des avis complètement différents. Les critères des physiciens ne sont pas les mêmes que les biologistes. Sur le nucléaire, les jugements des physiciens et biologistes divergent forcément.

Joseph Tual : Pour mieux traiter un sujet, on travaille toujours à 2 ou 3, pour partager les idées. Une source unique, qu'on ne peut pas citer, ça ne sert à rien. Nos informations doivent avoir un support, se recouper. Travailler en équipe ça permet de recouper l'information, alors que travailler tout seul c'est dangereux, pour la qualité de l'info et pour le journaliste. Après, ça dépend de la rédaction. Un ou deux journalistes d'investigation. Sur une rédaction de 150, ça peut être tenable, pour le service public, mais pour un petit journal ? Parfois la manipulation n'est pas voulue, le montage se fait aussi dans l'urgence, on choisit de montrer telle ou telle chose…
 

3- Quelles sont les stratégies de défense des médias contre la manipulation?

 

Amiral Lacoste : Comment les médias se défendent face à la manipulation ? Le journaliste est élément d'un système d'information, d'une communauté, s'il n'est pas d'accord avec le système, il se démet du système. C'est la grande question : Vaut-il mieux agir à l'intérieur que de sortir du système ? Au niveau de l'opinion publique, il faut défendre la pluralité de l'information, promouvoir la défense des règles de déontologie professionnelle et le respect des lois comme la diffamation. Par exemple un journal comme Le canard enchaîné ne peut pas dire n'importe quoi, il ne dit pas n'importe quoi.
Il faut aussi que dans les écoles de journalisme on fasse des études de cas pour apprendre à ne pas se faire piéger.

Joseph Tual : Quand l'information est chaude, on a un phénomène de meute, les journalistes sont abreuvés d'infos, il y a une peur de rater l'info, et dans ce cas on va très très vite… Et ça les Powell et autres ils le savent. Souvent, des médias analysent avec recul les événements (Courier International, Arte Théma…). Mais on s'auto-manipule nous même parfois. Dans les écoles de journalisme, il n'y a pas de cours de déontologie ni de défense contre la manipulation.

Marc Filterman : La meilleure défense contre la manipulation, c'est de connaître le sujet sur lequel on travaille et c'est une question d'investigation. Or les journalistes sont généralistes. Le journaliste ou le politique ne doit pas se contenter des infos fournies par des lobbies bruxellois par exemple. Eviter la manipulation passe par le faite de ne pas faire confiance à ceux qui nous donnent une information.
 


 

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